Mai 68 : le messianisme juif dans la rue
Article publié dans la revue Réfléchir et Agir (septembre 2008)
Il est strictement impossible de comprendre le sens des événements de mai 68 si l’on ignore toute la dimension politico-religieuse propre au judaïsme. Le fait est que les intellectuels juifs et les activistes juifs ont joué un rôle clef au cours de ces événements. Le mensuel sioniste Israël Magazine a publié en juillet 2008 un article très éloquent à ce sujet, sous la plume d’une certaine Noémie Grynberg. L’article est accompagné d’un encadré intitulé “Les principaux leaders juifs de mai 68” qui présente une liste de juifs révolutionnaires. Cette liste aurait sans doute valu un procès en correctionnelle il y a quelques années au pauvre goy qui se serait permis de la publier. Mais aujourd’hui, fort heureusement, une brèche a été creusée dans le mur de la censure, et la parole est en train de se libérer.
Voici encore ce qu’écrivait il y a dix ans Yaïr Auron, un historien israélien, dans un livre intitulé Les Juifs d’extrême gauche en mai 1968, publié pour le trentième anniversaire des “événements” : « Sur les “quatre grands” de mai 68, Daniel Cohn-Bendit, Alain Krivine, Alain Geismar, Jacques Sauvageot, les trois premiers sont juifs. » C’est aussi ce que nous dit Daniel Cohn-Bendit dans son autobiographie, Le Grand Bazar *** : « Les Juifs représentaient une majorité non négligeable, si ce n’est la grande majorité des militants. »
Dix ans auparavant, en 1988, le quotidien Le Monde avait déjà publié, le 12 juillet, un article sur le rôle des juifs en mai 68 : « Le mouvement de mai 68 fut-il une “révolution juive” ? » L’article revenait sur un colloque organisé sur ce thème le 7 juillet par la revue communautaire Passages. Dans son numéro huit***, Benoît Rayski y écrivait : « Il y eut, en mai 68, des cohortes compactes de juifs, tous engagés, au sommet ou à la base, dans les partis, mouvements et groupuscules qui constituèrent le fer de lance de cet événement insurrectionnel… Ils y occupaient une place majeure, parfaitement hors de proportion avec le nombre de juifs en France… Tous, ou presque venaient d’un milieu géographiquement très défini : l’Europe centrale ou l’Europe de l’Est. Tous ou presque sortaient de familles qui avaient sacrifié aux idéologies révolutionnaires du XXe siècle : bolchevisme, commu-nisme, trotskisme, bundisme, anarchisme… On y trouvait pêle-mêle les martyrs de l’Affiche rouge, les juifs du Komintern, inlassables commis voyageurs de la révolution mondiale, les dirigeants juifs et communistes des Brigades internationales, les jeunes insurgés du ghetto de Varsovie, etc. »
Ce sont bien en effet des militants juifs qui animèrent les mouvements révolutionnaires, en s’inspirant d’un messianisme spécifiquement judaïque. Les juifs attendent leur messie, c’est bien connu, et ils militent continuellement afin de préparer sa venue. Leur projet, leur “mission”, comme ils disent, est d’instaurer sur terre une “paix” absolue et définitive. Tous les conflits doivent disparaître : entre les nations, entre les religions, entre les classes sociales. Et pour ce faire, les juifs, partout où ils sont, travaillent sans relâche à détruire les identités nationales et les aristocraties. Quand toutes les nations auront été détruites, quand il ne restera plus que les juifs sur cette terre, alors, c’est sûr, il arrivera, Machiah !
Le judéo-bolchevisme
Cette inclination de nombreux juifs à s’engager dans les mouvements révolutionnaires ne date évidemment pas de mai 68. Déjà en 1917 sans remonter plus avant on les voit à l’œuvre en Russie, s’activant fébrilement à détruire la société chrétienne traditionnelle en brandissant des théories sociales et économiques. Noémie Grynberg écrit ici : « La proportion de Juifs dans les mouvements révolutionnaires, que ce soit en 1917 ou en 1968, est importante… Mai 68 fait appel aux deux grands théoriciens de la gauche révolutionnaire : Marx et Trotski. Eux-mêmes juifs, ils cherchent à travers le communisme une réponse au problème juif. » [lire : à la névrose juive, ndlr].
Tout au long des trente premières années du régime bolchevik, les doctrinaires juifs, les fonctionnaires juifs, les tortionnaires juifs, ont ainsi joué un rôle absolument épouvantable dans les atrocités qui ont été commises contre les Russes et les Ukrainiens. Nous ne récapitulerons pas ici la liste interminable de ces criminels bolcheviks. Alexandre Soljénitsyne a d’ailleurs établi un constat accablant dans le deuxième volume de son livre intitulé Deux Siècles ensemble, paru en 2003. L’ouvrage de Soljénitsyne est d’ailleurs le premier sur la question à avoir été commercialisé dans les grands réseaux de distribution.
Le mouvement trotskiste
Le mouvement trotskiste est lui aussi très largement influencé par la présence en son sein de militants d’origine juive, et principalement de juifs d’Europe centrale. Dans Les Trotskistes (Fayard, 2002), Christophe Nick montre que les principaux cadres de ce courant sont des Juifs ashkénazes : Pierre Frank, le fondateur du Parti communiste internationaliste, est le père de la tendance pabliste, qui donna naissance à la Ligue Communiste révolutionnaire. « Il est né à Paris en 1905, de parents fraîchement débarqués de Vilna en Lituanie. »
Barta est le fondateur de l’Union communiste internationaliste en 1947. Il est né en 1914 à Buhusi, en Roumanie, dans une famille de petits commerçants juifs. Son vrai nom est David Korner. C’est un militant de l’ombre : celui qui est à l’origine du courant qui deviendra Lutte ouvrière, n’a accordé qu’une seule interview dans sa vie : à un ancien militant de LO, pour une thèse universitaire. Autre grande figure du trotskisme français : Pierre Lambert, le fondateur de la troisième grande organisation trotskiste française. Son vrai nom est Pierre Boussel. Il est né le 9 juin 1920 à Paris, de parents juifs russes fraîchement débarqués. Le chef historique de la Ligue communiste révolutionnaire, Alain Krivine, est issu d’une famille arrivée de Russie à la fin du XIXe siècle. Henri Weber, aujourd’hui sénateur socialiste, et qui fut cofondateur de la Ligue communiste avec Alain Krivine, vient d’Europe centrale : « En 1938, à la veille de la guerre, ses parents, horlogers juifs, vivent à Cznanow, en Haute Silésie. » Maurice et Charly Najman, « les deux des principaux leaders trotskistes des étudiants et lycéens des années 1968-1978 », ainsi que Robi Morder « autre leader lycéen des années 1970 » viennent eux aussi d’Europe centrale, tout comme Michel Rodinson, le fils de Maxime, directeur de la publication de Lutte ouvrière. Le 8 octobre 1998, le journal L’Express révéla la véritable identité du mentor d’Arlette Laguiller, la pasionaria de Lutte ouvrière : le fameux et mystérieux Hardy s’appelle en réalité Robert Barcia ; il est né en 1928 à Paris, et a fait ses premières armes avec Barta. L’historien israélien Yaïr Auron épingle aussi Marc Kravetz qui « a joué aussi un rôle important en mai 68. Il est également d’origine juive. »
Les trotskistes en mai 68
C’est au cours des événements de mai 68 que le trotskisme connut son heure de gloire. Le 19 mai se réunirent les dirigeants des trois plus importantes organisations trotskistes, pour décider de la formation d’un comité permanent de coordination et appeler à l’unification. Barcia, pour l’UCI rencontra à cette occasion « Pierre Frank et Michel Lequenne pour le PCI, Alain Krivine et Daniel Bensaïd pour la JCR. Ensemble, ils rédigent une proclamation solennelle », écrit Christophe Nick. Avec Alain Geismar, le chef maoïste et Daniel Cohn-Bendit, qui représentait le courant anarchiste, on peut dire que la révolte de mai 1968 était bien tenue en main.
A la Ligue communiste révolutionnaire, dit Christophe Nick, le cinéaste Romain Goupil « est habité par la haine de ceux qui vivent dans l’obsession du ghetto de Varsovie. Une haine qui l’a poussé à risquer sa peau, encore dans les années 90, à Sarajevo, où, dans un petit film pour la télé, il fonçait au volant d’une voiture banalisée sur Sniper Allee, en cible volontaire pour les tireurs serbes, répétant mille fois dans le micro de son mégaphone “Sarajevo-Sarajevo-Sarajevo-Sarajevo…” en passant les vitesses. » (C. Nick, p. 73). Après 1968, c’est à Romain Goupil que les trois dirigeants de la Ligue – Alain Krivine, Daniel Bensaïd et Henri Weber – avaient confié le mouvement de jeunesse.
On pourrait encore évoquer le “belge” Ernest Mandel, qui fut le secrétaire de la IVe Internationale et le conseiller économique de Castro à Cuba, ainsi que Boris Fraenkel (suicidé en 2007), qui fut le traducteur du théoricien Wilhelm Reich en français (Cf. Les Espérances planétariennes).
En 1968, le responsable du Service d’ordre de la Jeunesse communiste révolutionnaire était Pierre Shapira. Jean-Luc Benhammias, futur membre du Conseil économique et social et ancien secrétaire national des Verts, se souvient de ces heureuses années lycéennes ; tout comme le philosophe une nullité ! André Glucksmann, qui a, quant à lui, quitté la Jeunesse communiste révolutionnaire pour rejoindre les maoïstes de la Gauche prolétarienne.
Le shabbes goy
Dans les années 70, s’illustreront des personnalités comme Gérard Karstein, qui prendra la tête du mouvement lycéen et étudiant de 1973. La Ligue communiste était alors l’incontestable animatrice du mouvement, avec sa figure étudiante de l’époque : Michel Field, qui deviendra animateur de télé. Gérard Karstein fut aussi à l’origine des comités de soldats dans les années 70.
« Ces exemples pourraient se multiplier à l’infini », écrit Christophe Nick. « A la LCR, dans les années 70, l’humour résumait bien la situation : « Pourquoi ne parle-t-on pas yiddish au bureau politique de la Ligue communiste ? Parce que Bensaïd est séfarade ! » En effet, Daniel Bensaïd, originaire d’Afrique du Nord (séfarade), ne comprenait pas le yiddish des autres responsables trotskistes, qui eux étaient ashkénazes.
Yaïr Auron confirme ici les propos de Christophe Nick : « Sur les douze membres du bureau politique de la Ligue à ses débuts, s’ajoutaient à Bensaïd dix autres Juifs originaires d’Europe de l’Est et un seul membre non juif. »
D’aucuns parleraient de shabbes goy, c’est-à-dire du « goy de service », chargé dans les familles juives de leur ouvrir la porte et d’appuyer sur les boutons durant shabbat.
Chez les maoïstes, la tendance était la même : la Gauche prolétarienne avait à sa tête Alain Geismar, qui fut par la suite inspecteur général de l’Education nationale, et Benny Lévy (alias Pierre Victor), qui deviendra le secrétaire particulier de Jean-Paul Sartre avant de faire sa téchouvah et son alyah (sa montée en Israël). Ce dernier est devenu ensuite rabbin et professeur dans une yéshivah (école juive) de Jérusalem. De même, écrit Yaïr Auron, « à la tête de la direction de l’organisation étudiante du parti communiste français dans les années 70, se comptaient également de nombreux Juifs. » On pense par exemple à Pierre Zarka, qui deviendra le directeur du journal L’Humanité.
Le communisme : un outil indispensable pour canaliser les oppositions
La plupart des Occidentaux n’ont jamais entendu parler de cette implication des juifs dans le communisme. Le fait est que dans toutes les sociétés démocratiques, la finance et les médiats sont très largement entre les mains de gens qui n’ont pas du tout intérêt à ce que soit révélé le rôle de leurs congénères dans les monstruosités commises en Russie de 1917 à 1947. On préfère alors parler du juif faible et innocent, toujours bouc émissaire, toujours persécuté sans raison. Et ça marche ! C’est ainsi qu’on peut balayer trente millions de morts sous le tapis.
L’idéologie communiste a finalement laissé des traces beaucoup plus visibles en Occident. Après un siècle de combats, on se rend compte en effet que le seul résultat tangible du communisme local en France est d’avoir transformé ses municipalités en villes du tiers-monde, dans une étonnante conjonction de vue avec le patronat. Si au XIXe siècle, le marxisme se traduit d’abord par la défense du monde ouvrier, la fin du XXe siècle va révéler en pleine lumière toute l’importance de l’universalisme qui lui est consubstantiel, avec son projet de société mondiale, d’Etat mondial, de gouvernement mondial. C’est d’ailleurs exactement le projet concocté par la finance internationale, et il n’y a vraiment rien d’étonnant à cela, si l’on veut bien considérer que ce sont les mêmes personnes qui s’activent derrière ces rideaux de fumée idéologiques nous promettant un monde de “paix” et un avenir radieux.
L’URSS s’est effondrée, et l’idée communiste peut à nouveau jouer correctement son rôle, en toute conformité avec ses principes, qui est celui d’être l’aiguillon de la démocratie, à l’intérieur même de la démocratie libérale, finalement seule capable de nous frayer la voie vers la société mondiale. Car c’est dans l’opposition active que le communisme est véritablement efficace. C’est dans l’opposition qu’il peut rendre les meilleurs services, puisqu’il permet de maintenir les opposants au système libéral dans les perspectives planétariennes. Il est en quelque sorte la soupape de sécurité d’un système libéral désespérant, qui, du fait de son absence de transcendance et de ses aspirations purement matérialistes, engendre fatalement des oppositions radicales. Celles-ci sont alors récupérées par l’idéal communiste et conservées dans le bouillon du mondialisme. Sans lui, les opposants à la démocratie bourgeoise et à la société de consommation se porteraient inévitablement vers les mouvements de réactions identitaires et ethniques, ce que le système cosmopolite ne souhaite à aucun prix. Le scénario qui se déroule sous nos yeux est donc celui que George Orwell avait imaginé dans son fameux roman-fiction intitulé 1984, dans lequel le chef de l’opposition clandestine, le fameux et insaisissable Goldstein, n’était finalement rien d’autre qu’un agent du système ayant pour mission de canaliser les oppositions. Le communisme a donc réintégré le rôle qu’il n’aurait jamais dû cesser d’avoir, qui est celui d’être une utopie mobilisatrice, nichée à l’intérieur de la démocratie. Le soviétisme est mort ; peut-être même qu’il a été assassiné. Mais l’idéal communiste paraît être soigneusement entretenu, réchauffé au sein de la démocratie libérale, lové dans ses institutions. C’est ainsi que fonctionne la spirale planétarienne : avec un système, d’un côté, et une opposition factice à ce système, de l’autre. Les deux forces sont absolument complémentaires et indispensables l’une à l’autre. Hervé RYSSEN
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