Eloge du français
25/11/2011
Voici un passage tiré du livre de Paul Valéry, Regards sur le monde actuel (Paris, Librairie Stock, Delamain et Boutelleau, 1931). Inutile d’acheter le livre, ça ne casse pas des barreaux de chaise. Mais les deux passages suivants sont intéressants :
Trois caractères distinguent nettement le français des autres langues occidentales: le français,bien parlé, ne chante presque pas. C’est un discours de registre peu étendu, une parole plus plane que les autres. Ensuite : les consonnes en français sont remarquablement adoucies ; pas de figures rudes ou gutturales. Nulle consonne française n’est impossible à prononcer pour un Européen. Enfin, les voyelles françaises sont nombreuses et très nuancées, forment une rare et précieuse collection de timbres délicats qui offrent aux poètes dignes de ce nom des valeurs par le jeu desquelles ils peuvent compenser le registre tempéré et la modération générale des accents de leur langue. La variété des é et des è, — les riches diphtongues, comme celles-ci : feuille, rouille, paille, pleure, toise, tien — etc., — l’e muet qui tantôt existe, tantôt ne se fait presque point sentir s’il ne s’efface entièrement, et qui procure tant d’effets subtils de silences élémentaires, ou qui termine ou prolonge tant de mots par une sorte d’ombre que semble jeter après elle une syllabe accentuée, — voilà des moyens dont on pourrait montrer l’efficacité par une infinité d’exemples. (page 111 de mon édition à moi)
Et encore :
L’art français s’est exercé supérieurement dans tous les genres : du vitrail au burin, de la cathédrale au « bonheur-du-jour », de la tapisserie de haute lisse à l’émail, de la céramique à la typographie – et cette simple énumération démontre à travers les âges une variété dans les talents aussi riche que celle que nous avons tout à l’heure fait observer dans les sites, les climats, les constituants humains de la France. Pour concevoir cette richesse, il faut se représenter qu’elle est faite d’un nombre considérable d’inventions, de formes, de combinaisons et de procédés, auquel doit s’ajouter toute la valeur d’exécution qu’il fallut pour donner l’être à tant de formes possibles imaginées. La main française a fait merveille, qu’elle ait taillé la pierre ou enluminé le parchemin. (page 182).
Les commentaires sont fermés.